Commentaires PBI
Pratiquer la protection biologique intégrée (PBI) ne veut pas forcément dire agriculture biologique. Si elle est utilisée par des arboriculteurs et maraîchers biologiques, elle l'est également par des maraîchers, horticulteurs, arboriculteurs, céréaliers dits "conventionnels". Elle permet l'emploi de produits phytosanitaires, insecticides chimiques ou biologiques, fongicides et herbicides.
Pour pratiquer la PBI et supprimer complètement tout insecticide, en utilisant uniquement les divers organismes auxiliaires, demande des connaissances très pointues, un bon savoir faire et pose le problème de l'équilibre entre ravageurs et auxiliaires. Quel déséquilibre peut-on accepter avec les dégâts qui l'accompagnent. Évidement, les dégâts ne sont pas identiques selon la culture spécialisée ou pas, pratiquée par l'agriculteur et le seuil de tolérance correspond aussi aux modes de commercialisation qui eux mêmes tiennent comptes des attentes ou du goût des consommateurs.
En cultures maraîchères, et arboriculture, seuls les parties des végétaux qui se mangent doivent présenter un aspect convenable; du moment que la tomate est présentable, peu importe si le feuillage de la plante est déformé et abrite quelques arthropodes nuisibles.
Par contre, en horticulture l'aspect est très important et la façon de commercialiser essentielle. Lors d'un déséquilibre ravageurs-auxiliares, chez nous, en vente directe, nous pouvons expliquer à nos clients, les dégâts apparents qui préjudicient en rien l'avenir de la plante.
Ces dégradations dues aux différents nuisibles peuvent se présenter sous forme de feuille boursouflée, tordue en réaction aux piqûres des insectes, un peu dévorée ou comportant un feutrage noir (champignon de la fumagine qui se développe sur le miellat des ravageurs). Dans nos serres et aires de productions, nous pouvons montrer à nos clients, des auxiliaires introduits ou présents naturellement, qui limitent les populations d'arthropodes nuisibles. Lorsque nous vendions en gros pour les jardineries, les végétaux devaient être toujours impeccables car le commerçant doit les vendre le plus rapidement possible. Dans nos serres prévalait alors l'élimination totale de tout ravageur.
On peut aussi se poser, d'une manière générale, la question du déséquilibre et du pourquoi des dégâts préjudiciables aux cultures.
Plus un écosystème est biodiversifié, plus il regroupe d'espèces végétales, plus il accueille d'espèces animales et plus il a de chance de s'auto réguler et de maintenir un équilibre ravageurs-auxiliaires. L'homme (l'agriculteur) choisit la plupart du temps, dans les champs, les monocultures où tout autre végétal non semé ou planté par lui, est condamné, désherbé, limitant la
biodiversité à néant. Il a aussi agrandit ses champs et coupé toutes les haies d'arbres et arbustes. Facile, alors aux nuisibles, quelques qu'il soient, de proliférer, le garde à manger à porter de mandibules en lignes droites bien tracées, sans prédateurs ou si peu. Souvent l'agriculteur reproduit ses monocultures des années durant, gardant les mêmes ravageurs... Combien d'agriculteurs font des rotations régulièrement, combien ont replanté des haies naturelles, combien implante des bandes enherbées à l'interieur des champs, combien ose semer des bandes fleuries, toutes ces pratiques vont limiter les ravageurs et accueillir une faune qui peut se révéler auxiliaire et participer à un équilibre moins ou peu préjudiciable aux cultures.
On peut revenir aux cultures spécialisées et dans notre cas, l'horticulture et la pépinière avec plusieurs remarques.
Premièrement, après quelques années de PBI dans nos serres, la suppression de tout insecticide chimique et biologique et la diminution et pratiquement l'arret des traitements fongicides, nous constatons maintenant l'arrivée d'arthropodes auxiliaires présent naturellement autour de notre exploitation. Syrphes, chrysopes, cantharides, araignées ne sont plus décimées ou repoussées par les traitements chimiques; les oiseaux reviennent gazouiller, les mésanges bleus ou charbonnieres nous indiquent les premiers foyers de pucerons.
Deuxième remarque, concernant l'équilibre ravageur-auxiliaire, nous voyons actuellement la différence entre le moment où nous vendions en gros avec un nombre limité d'espèces de fleurs (souvent très sophistiquées) et maintenant, en vente directe, où nous cultivons beaucoup plus d'espèces différentes de plantes dont les fleurs d'une bonne partie produisent nectar et pollen, nourriture de nombreux arthropodes. Nous avons complexifié et biodiversifié toutes nos lieux de productions.
Troisième remarque, la PBI permet d'utiliser des insecticides chimiques dits "compatibles". il faut savoir que toutes les molécules chimiques des produits phytosanitaires sont testés sur les organismes vivants utilisées et vendus comme auxiliaires, une molécule devient "compatible" lorsque la réduction des capacités de lutte des organismes vivants demeure en dessous des 25% et que sa rémanence est la plus courte possible. Les études ne portent pas les sur les arthropodes indigènes présents naturellement sur les exploitations agricoles. Juste un mot sur les foncicides, un traitement fongicide ciblant des champignons pathogènes pourra, uniquement par son odeur repousser les arthropodes auxiliaires indigènes ou introduits. On peut noter aussi, qu'une des sociétés qui vend aux agriculteurs des arthropodes auxiliaires, commercialise également des produits phytosanitaires compatibles et communique sur ce fait (Syngenta).
Dernière remarque, le bilan carbone de la PBI reste très mauvais. Les organismes auxiliaires ne sont pas élevées localement, mais viennent soit de Belgique, Hollande ou Angleterre.
Dominique Per